Le SMES-B (Santé Mentale et Exclusion Sociale) et Infirmiers de rue proposent à des sans-abri de passer directement de la rue à un logement à eux. Le Forum bruxellois de lutte contre la pauvreté évalue, jusqu’en 2015, ces nouveaux dispositifs dits de « Housing First ». Les projets bruxellois sont associés à des initiatives similaires à Anvers, Gand, Liège et Charleroi. Ces nouveaux chantiers d’expérimentation sociale sont regroupés au sein du Housing First Belgium qui mutualise l’expertise et l’expérience de chacun.

L’aide aux sans-abri, et plus largement les mesures pour lutter contre la grande précarité, s’appuient sur des « modèles », des « approches » aux préceptes différents. A Bruxelles, le secteur de l’aide aux sans-abri a eu tendance à s’organiser principalement selon un modèle « en escalier », appelé aussi « continuum de soin », modèle « linéaire » ou encore « évolutif ». Ce modèle conditionne l’accès des personnes sans-abri à certains services selon des parcours « type » et une « échelle de réussite ». Une personne à la rue devra ainsi suivre un parcours constitué de plusieurs échelons, que l’organisation de l’aide aura dessiné avec et/ou pour elle, et évoluant de la rue à l’hébergement d’urgence, à la maison d’accueil, au logement de transit, au logement accompagné et, enfin, au logement autonome. A chaque étape, des conditions, normes et degrés d’autonomie différents auront été imposés et requis.

Ce type de modèle, largement répandu, a été fréquemment critiqué et soupçonné de constituer une forme de gestion, plutôt que de résolution, de la problématique du sans-abrisme. Le fait est qu’une proportion importante des usagers reste « bloquée » aux échelons les plus bas, et n’arrive jamais à accéder à un logement durable. De cette critique sont nés des modèles alternatifs davantage centrés sur le logement.

La conférence européenne de consensus sur le sans-abrisme – tenue à Bruxelles en 2010 – faisait la part belle à cette question et recommandait largement que la lutte contre le sans-abrisme passe par des approches « dirigées vers le logement ». A Bruxelles également, de nombreux rapports et analyses pointent, depuis plusieurs années, les difficultés et les paradoxes du système de l’aide existant ainsi que les difficultés d’une politique publique concertée en matière de sans-abrisme. Ils proposent, entre autres, de développer des modèles alternatifs d’aide directement axés autour du logement.

C’est sans doute la question du Housing First qui, aujourd’hui, est la plus symbolique et caricaturale de cette évolution des paradigmes. En effet, le Housing First est souvent opposé à l’autre modèle qui préconise de « soigner d’abord, loger ensuite » : « caring first, housing then ». Pourtant, notons que même si le Housing First et le modèle « en escalier » semblent opposés sur le principe, les expériences de terrain montrent que, à l’étranger, ils ont souvent cohabité dans la pratique. Le Forum bruxellois de lutte contre la pauvreté a consacré son trimestriel du printemps 2014 à l’histoire du Housing First.

Si des pratiques centrées sur le logement existent déjà chez nous, elles restent rares et méconnues. Aussi, les professionnels bruxellois se posent toujours, à juste titre, des questions concernant la définition, la reconnaissance, ainsi que de la réalisation de modèles qui se distancient du « continuum de soin » pour se centrer sur le logement. Face à la situation des personnes à la rue, aux enjeux historiques animant le secteur de l’aide aux sans-abri, et au fait que les approches centrées sur le logement paraissent en même temps populaires, méconnues et sujettes à controverse, le Forum bruxellois de lutte contre la pauvreté a insisté sur la nécessité d’une évaluation de ces deux nouveaux projets de Housing first. En concertation avec l’ensemble des partenaires du Housing First Belgium, nous évaluons la pertinence de ce modèle dans le contexte spécifique de la région bruxelloise et, en 2015, nous publierons un manuel pratique visant l’implémentation des expérimentations d’inspiration Housing First à d’autres réalités locales.

Pour aller plus loins, le site des Petits Riens propose une interview de la responsable Housing First du SMES.